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 Gabrielle Bouët,

née Dechézelles

(1885 – 1987)

Gabrielle Dechézelles est née le 24 septembre 1885 à Assi-Bou-Nif en Algérie. Son pèreest un instituteur républicain et anticolonialiste quis’éteint lorsqu’elle a six ans. Suite àce décès, la mère de Gabrielle rentre en France avec ses douze enfants et s’installeà Saumur, dans le Maine-et-Loire. En dépit de son désir précoce de devenir institutrice, Gabrielle est très tôt contrainte de quitter l’école pour subvenir à ses besoins et à ceux de la famille. Grâce à un héritage et au soutiend’un jeune instituteur,Louis Bouët, elle passe et obtient son Brevet élémentaire en 1904 puis son Brevet Supérieur l’année suivante. Au cours de cette dernière,Gabrielle est nommée institutrice à Longué, dans le Maine-et-Loire, etépouseLouis Bouët, son compagnon de vie et de combats syndicaliste, militant et pédagogique, dont elle aura trois enfants.

En 1905, ils signent ensemble le Manifeste des instituteurs syndicalistes, participent à la création du syndicat du Maine-et-Loire et collaborent à son bulletin, L’Émancipation de l’Instituteur ; Gabrielle y rédige notamment en 1909 un article sur l’enseignement de la couture. Co-rédactrice avec Louis du Manifeste des instituteurs syndiqués de 1912, Gabriellefait l’objet de réprimande de la part de sa hiérarchie, tout en s’efforçantavec son mari d’exercer au mieux « leur rôle d’éducateur d’avant-garde ».Ils sont en effet des contributeurs actifs de la revue hebdomadaire L’École Émancipée, organe de la Fédération unitaire de l’enseignement, qui reposait sur les efforts de syndiqués bénévoles (Gabrielle publie un article dès le premier numéro de la revue en date du 1er octobre 1910). Partisans d’une éducation qui achemine peu à peu les élèves « vers le self-government, une morale sans obligation ni sanction », Gabrielle et Louis organisent également les soirs d’hiver « des causeries à la fois éducatives et récréatives » suivies « de chants où les voix des enfants et des adultes se mêlaient harmonieusement, en particulier à Saint-Clément-des-Levées et à Saint-Georges-sur Layon, avant la Grande Tourmente de 1914 »[1].

Au moment où éclate la Première Guerre mondiale, les Bouët s’opposent à l’« Union sacrée » (Louis avait adhéré à la SFIO en 1906 et Gabrielle devient militante socialiste l’année suivante avant de rejoindre le parti communiste en 1920) et assurent la publication de L’École Émancipée. Pendant la Grande Guerre, Gabrielle collabore également aux premiers numéros (1917-1918) de la revue mensuelle d’éducation populaire, La Mère Éducatrice, fondée par Madeleine Vernet en yrédigeant les Carnets d’une Maman.En raison de son syndicalisme et de ses prises de position en faveur de la paix, elle est révoquée de ses fonctions d’institutrices en 1920 et n’est réintégrée que cinq ans plus tard à Lézigné en Maine-et-Loire, où elle est maintenue d’office avec son mari jusqu’à leur retraite en 1933. Pendant ces années et jusqu’en 1935, Gabrielle Bouët assume des responsabilités syndicales nationales (elle est notamment secrétaire fédérale à l’Internationale de l’Enseignement de 1924 à 1926)etreprésente à plusieurs reprise le Maine-et-Loire aux congrès des Groupes Féministes. En 1931, elle publieun court essai intitulé Un crime judiciaire. L’instituteur Pierre Vaux. De 1910 à sa mort en 1977, elle collabore activement à L’École Émancipée, prenant avec Louis la direction de la revue de 1921 à 1936, et échange avec des tenants de l’éducation nouvellede premier plan comme Célestin Freinet, notamment en participantau « Premier congrès des imprimeurs » organisé par Freinet en marge du congrès de la Fédération unitaire de l’enseignement à Tours en 1927 (voir photographie ci-dessous).

 

Dans l’historiographie, l’analyse de la vie et de l’œuvre de Gabrielle Bouët est couplée (et souventpeu dissociée) avec celle de son mari, Louis Bouët. Tous deux sont en effet considérés comme « des pionniers du syndicalisme primaire » (Jacques Ozouf) ayant grandement contribué à la genèse du syndicalisme enseignant contemporain. C’est avec les travaux d’Anne-Marie Sohn, qui a réalisé un entretien et échangé par courrier avec l’institutrice, que les interventions féministes de Gabrielle Bouëten lien avec son syndicalisme ont été mises en lumière. Les dimensions pédagogiques de l’œuvre singulière de Gabrielle Bouët,en lien avec celle de son mari, restent encore à explorer.

Bibliographie:

1. Sources archivistiques :

A.N. F7/13090 et F7/13743; Dossier Gabrielle Bouët à la Bibliothèque Marguerite Durand ; Institut Français d’Histoire Sociale, Fonds Louis et Gabrielle Bouët.

2. Sources publiées :

L’École émancipée, depuis octobre 1910jusqu’à février 1977 ; L’Émancipation de l’Instituteur, Bulletin mensuel du syndicat d’instituteurs et d’institutrices de Maine-et-Loire, juin 1907 – nov. 1921 ; Gabrielle Bouët, Un crime judiciaire. L’instituteur Pierre Vaux, Saumur, L’École émancipée, 1931 ; Louis Bouët, Trente ans de combat : syndicaliste et pacifiste, L’Amitié par le Livre, Blainville-Sur-Mer, 1969.

3. Bibliographie :

Thierry Flammant, « Bibliographie de la correspondance du Fonds Louis et Gabrielle Bouët, 1903-1922 », Les Cahiers du Centre d’études et de recherches sur les mouvements trotskyste et révolutionnaires internationaux (CERMTRI), no. 9, juin 1978 et no. 16, avril 1980 ; François Bernard, Louis Bouët, Maurice Dommanget et Gilbert Serré, Le Syndicalisme dans l’Enseignement : histoire de la Fédération de l’Enseignement des origines à l’unification de 1935, 3 vol., Paris, Centre régional de documentation pédagogique, 1968 ; Max Ferré, Histoire du Mouvement syndicaliste révolutionnaire chez les instituteurs. Des origines à 1922, Paris, 1955 ; Anne-Marie Sohn, « Féminisme et syndicalisme : les institutrices de la Fédération unitaire de l’enseignement de 1919 à 1935 », Thèse de doctorat en histoire, Université Paris X, 1975 ; Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement, 1919-1935. Aux origines du syndicalisme enseignant, Syllepse, 2005. 

[1] Gabrielle Bouët, « Vie de Louis Bouët. 1880-1969 », in Louis Bouët, Trente ans de combat : syndicaliste et pacifiste, L’Amitié par le Livre, Blainville-Sur-Mer, 1969, p. 14-15.

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